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Profiter du grand débat pour penser le devenir des territoires ruraux

par Hugo Soutra

Face à la surreprésentation de leurs concitoyens dans le mouvement des Gilets Jaunes, les sénateurs et élus ruraux ne souhaitent pas voir leur cause caricaturée. Divers partisans d’un changement de paradigme dans les politiques françaises d’aménagement du territoire (AMRF, Nouvelles ruralités, Voix de la ruralité) ont réfléchi collectivement à leurs revendications afin d’interpeller le gouvernement dans le cadre du grand débat. Objectif : repenser leur avenir, quitte à briser au passage quelques idées reçues.

Le mouvement des gilets jaunes et ses suites politiques ont constitué une formidable opportunité, pour les corps intermédiaires issus de la France rurale, d’alerter sur les difficultés quotidiennes de leurs concitoyens. Attention de ne pas se faire enfermer dorénavant dans l’image caricaturale d’une France en souffrance, pessimiste, peuplée d’individus faiblement qualifiés et délaissés par la mondialisation. Le récent groupe « Ruralités » du Sénat semble en effet se méfier de la petite musique ruraliste, jugée trop simpliste, se faisant entendre chaque samedi depuis le 17 novembre. 

Une vingtaine de sénateurs rassemblés dans ce collectif chapeauté par Jean-Jacques Lozach (Creuse) avaient convié, mardi 12 mars rue Vaugirard (Paris), divers acteurs ayant pris la plume pour écrire le manifeste des « Voix de la ruralité » en 2017. Les association d’élus des Maires ruraux et des Nouvelles ruralités ont répondu présents bien entendu, tout comme divers acteurs associatifs (Familles rurales, RuralTic, Fédération des bistrots de pays) ainsi que quelques consultants et autres architectes-urbanistes. Le but : préparer une contribution collective dans le cadre du Grand Débat afin de défendre de façon sereine et constructive les intérêts des ruralités.

Un nouveau paradigme pour les services publics

Critère d’attractivité s’il en est vis-à-vis des familles candidates à l’installation, la présence des services publics a sans surprises ouvert les débats. La sénatrice (PS) Angèle Préville a loué les « Maisons de services au public » (MSAP) mais, échaudée par son expérience personnelle dans le Lot, elle a assuré qu’elles ne formaient pas une garantie à toutes épreuves : « il faut resserrer le maillage des MSAP sans attendre. Il n’est pas possible de demander à nos concitoyens de faire des dizaines de kilomètres pour refaire leurs passeports. » Outre réitérer sa demande de garantir un « socle minimum de services publics (petite enfance, éducation, santé, mobilités) », l’association Familles rurales a pour sa part réclamé la création de « plus de points de médiation numérique pour accompagner les personnes en difficulté dans leurs démarches dématérialisées. »

De nombreuses voix se sont fait entendre, en retour, pour dépassionner les débats. Ou plutôt aborder la question au-delà de la seule posture défensive, pour ne pas dire réactionnaire. « Depuis 30 ans, les maires se battent pour obtenir le maintien d’un certain nombre de services publics sur leurs communes. Va-t-on se battre encore 30 ans ou s’interroger enfin sur les causes et anticiper ? S’il y avait suffisamment de passagers ou d’enfants, les élus n’auraient plus à se battre pour défendre leurs gares ou éviter la fermeture de leurs écoles » fait remarquer le patron des Maires Ruraux, Vanik Berberian. « Il ne sert à rien de demander un moratoire interdisant à l’Etat de toucher aux implantations de services publics. Il faudrait plutôt obtenir une sanctuarisation des moyens injectés aujourd’hui par l’Etat, et donner la liberté aux élus ruraux de les réorienter vers les services les plus prioritaires afin de les adapter aux besoins contemporains de nos territoires » estime l’imaginatif sénateur (PS) de la Nièvre et fondateur des « Nouvelles ruralités », Patrice Joly.

Vigilance et anticipation

« Des services – publics ou privés – sont appelés à disparaître du fait des dynamiques démographiques ou de l’arrivée du numérique, d’autres sont impérativement à conserver comme l’offre de soins, et certains sont encore à inventer ! » assuma, à son tour, le sénateur centriste du Cantal, Bernard Delcros. Pour lui, il est urgent de s’interroger : « quels services attendent nos jeunes vivant aujourd’hui dans le rural ? Il y a des services qui existent mais qu’ils n’utilisent pas, et d’autres qui n’existent pas mais qu’ils attendent de pied ferme.» L’e-formation, par exemple, pourrait permettre  de résoudre d’un coup de baguette magique les inégalités d’accès à l’enseignement supérieur, estime l’association RuralTic : « qu’est-ce qui pousse, aujourd’hui, un jeune rural à quitter son territoire ? La faible offre de formation, généralement concentrée sur les grandes agglomérations. Le foncier disponible et le haut-débit pourraient mettre fin à cet exil forcé, en développant des MOOC avec des temps de formation en présentiel et d’autres modules en ligne » veut croire son directeur, Sébastien Cote.

Aux côtés de la défense des services publics et de l’accès au numérique, Fabienne Keller enjoint ses homologues à se montrer vigilants sur les mobilités, autre « élément-clé de la liberté. » Et particulièrement l’avenir du réseau ferroviaire. « Nous devrions concentrer nos efforts sur le maintien des dessertes fines de TGV, que la SNCF essaie de réduire, ainsi que sur l’avenir des lignes dites « petites lignes. » Il faut sortir de cette folie collective consistant à ne pas investir et laisser l’infrastructure se dégrader, réduisant d’autant la qualité de service… A l’heure où le réseau ferroviaire semble plus menacé que jamais, et nos concitoyens de plus en plus propriétaires de leurs voitures, il appartient aux élus de faire des choix stratégiques pour renforcer les axes les plus structurants » conseille la sénatrice (LR-Agir) du Bas-Rhin et ex-présidente de l’eurométropole de Strasbourg.

Aménager l’existant et favoriser les transitions

Il appartient aussi aux élus de renforcer l’attractivité des 2 600 gares françaises, et pour cela d’y développer par exemple l’intermodalité. De la marche à pied à l’auto-partage en passant par le vélo ou des services de transports à la demande destinés aux personnes âgées et/ou handicapées, elles peuvent rapidement redevenir des lieux d’avenir de nos centres-villes et centres-bourgs. Encore faut-il y croire sincèrement, plaide le représentant de « Familles rurales » : « il ne suffit plus que les élus disent vouloir favoriser la pratique du vélo pour développer ce mode de transports. Ils doivent impulser une politique d’aménagement sincère et créer de véritables pistes sécurisées, afin que les cyclistes ne circulent plus à côté de 38 tonnes… »

Les sénateurs n’en restent pas moins conscients que la voiture est aujourd’hui le moyen privilégié par les ruraux pour se rendre au travail comme pour ses loisirs. Mais là aussi, pas question de débattre à nouveau de la limitation de vitesse à 80 km/h, la transition et la préparation de l’avenir étaient au cœur des discussions du 12 mars. Pour le sénateur (UC) mosellan Jean-Marie Mizzon, « le changement de paradigme autour des motorisations diesel nous place face à un enjeu national de taille, celui du financement de la filière des moteurs électriques d’une part et de l’acquisition de ce type de véhicules moins polluants par les Français d’autre part. Aidons les ménages à passer du diesel à l’électrique, et les volumes de vente que cette politique engendrera nous permettra de développer une filière d’excellence » propose-t-il. Et, par là même, aidera à déculpabiliser les automobilistes ruraux n’ayant pas forcément d’autre alternative à l’heure actuelle, et les réintégrera de fait dans le récit national.

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