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Lors de la séance du 2 novembre, j’intervenais en séance pour le Groupe Socialiste et Républicain dans le cadre du débat sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant l’ordonnance n° 2015-1682 du 17 décembre 2015 portant simplification de certains régimes d’autorisation préalable et de déclaration des entreprises et des professionnels et modifiant le code du sport.

Mon intervention en séance à voir en vidéo ci-dessous

@ le dossier législatif est accessible sur le site internet du Sénat

Le texte de mon intervention :

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.

M. Jean-Jacques Lozach. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi ratifiant l’ordonnance du 17 décembre 2015 comporte de nombreuses dispositions de simplification, très éloignées de la thématique sportive. Toutefois, au milieu de cette diversité, nous trouvons plusieurs éléments intéressant tout particulièrement les manifestations sportives et la lutte contre le dopage.

Il ne s’agit pas du seul texte visant à simplifier le régime des déclarations ou des autorisations préalables en matière de manifestations sportives. Je pense, par exemple, au décret du 24 juin 2016, qui permet d’alléger le régime de contrôle pour les manifestations de sports de combat : on passe d’un régime d’autorisation préalable à un régime de déclaration, qui se trouve, par ailleurs, écarté s’il s’agit d’une manifestation organisée par une fédération délégataire.

Concernant l’ordonnance en question, deux petites erreurs se trouvent ici corrigées. La suppression du régime de déclaration préalable auprès de l’autorité administrative de toute manifestation publique, quelle que soit sa nature, dans une discipline sportive qui se trouve n’être ni organisée ni autorisée par une fédération agréée, est une utile mesure d’allégement des formalités administratives. Nombre de mes collègues étant revenus sur l’expression « choc de simplification », je ne m’y attarderai pas.

Certes, il ne s’agit pas de laisser démunie l’administration. En effet, celle-ci conserve son pouvoir de police administrative, en pouvant interdire la tenue d’une manifestation sportive, selon le triptyque classique de l’ordre public : risques d’atteinte à la dignité, à l’intégrité physique ou à la santé des participants. Tout à l’heure, M. le secrétaire d’État a évoqué des sports dits « violents » ou « extrêmes ».

seance-codesport-2nov2016-2Toutefois, et c’est l’objet de l’article 2 du projet de loi, la suppression de certains régimes de déclaration ou d’autorisation préalable privait de base juridique les pouvoirs de contrôle de l’AFLD, l’Agence française de lutte contre le dopage, sur des pans entiers de la pratique sportive, en raison du renvoi explicite, au sein de l’article L. 232-5 du code du sport, de son autorité de contrôle sur les « manifestations sportives soumises à une procédure de déclaration ou d’autorisation prévue par le présent code ».

Le rétablissement des contrôles de l’AFLD sur un champ important du sport amateur est essentiel, bien entendu, alors que le recours au dopage dans le sport amateur concernerait de 5 % à 15 % des pratiquants, selon le chiffre de l’Académie nationale de médecine. Je veux ici réitérer le cri d’alarme que je formulais déjà en 2013 dans le rapport sur la lutte contre le dopage, qui n’est malheureusement pas l’apanage du sport de haut niveau ou de disciplines circonscrites.

Les amateurs ont trop longtemps échappé à la stratégie des contrôles, d’où la nécessité de les intégrer dans les publics cibles, des amateurs qui ont souvent des revenus supérieurs à ceux des professionnels.

De surcroît, le panel de sanctions que peut prendre l’Agence se trouve élargi à l’interdiction, pour un sportif, de participer à des manifestations hors fédérations, ainsi qu’à des personnes tierces qui ont contribué, d’une manière ou d’une autre, à une activité de dopage ou d’entrave à l’exécution des missions de l’agence. Un certain nombre de disciplines sont très régulièrement citées ; je pense, par exemple, au culturisme.

Celui qui est aujourd’hui présenté comme le champion du monde de culturisme relève d’une fédération internationale totalement inconnue en France. On sait, par ailleurs, que les salles de culturisme, de remise en condition physique, de bodybuilding ou d’haltérophilie sont des lieux très fréquentés pour des trafics de produits illicites… Et ces trafics concernent non pas seulement ces activités-là, mais l’ensemble des autres activités, qu’il s’agisse de sports collectifs ou individuels.

L’article 2 bis, introduit par notre collègue Pascal Deguilhem, rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale, vise à achever la transposition en droit interne du code mondial antidopage. Il permet d’élargir l’usage du suivi longitudinal du profil biologique au-delà des sportifs de haut niveau, des sportifs « Espoir » et des sportifs professionnels licenciés des fédérations.

Cette nouvelle technique de contrôle est particulièrement prometteuse. Elle permet de mettre en évidence l’utilisation de substances ou l’usage de méthodes interdites, en révélant des variations atypiques du profil biologique du sportif.

La création d’un profil biologique résulte de l’amendement sénatorial que j’avais déposé dans le cadre de la loi du 12 mars 2012. Elle a élargi les missions de l’AFLD, qui fut créée par le législateur en 2006, pour définir et conduire les actions de la lutte antidopage. Cette Agence a le statut d’une autorité publique indépendante, dotée de la personnalité morale.

L’article 3 permet de réintégrer les organismes d’assurance dans le champ du pouvoir de désignation de commissaire aux comptes supplémentaire de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

Ainsi, ce projet d’ordonnance, à caractère essentiellement technique, est l’occasion d’achever le travail de transposition dans notre législation du code mondial antidopage, effectué pour l’essentiel par l’ordonnance du 30 septembre 2015. La correction de deux malfaçons, via les articles 2 et 2 bis du projet de loi, permet à notre pays de conforter sa position d’avant-garde dans la lutte contre le dopage. En effet, il s’agit d’une position qu’il convient de maintenir.

La France n’est-elle pas le pays qui a le plus légiféré sur ce sujet, depuis la loi Herzog en 1965, suivie des lois Bambuck en 1989, Buffet en 1999 et Lamour en 2006, pour n’évoquer que les lois essentielles ? La France est souvent citée comme modèle et, pourtant, c’est dans notre pays qu’est intervenu cet événement à haute valeur symbolique que fut l’affaire Armstrong. Nous aurons connu quatorze années de mensonges et de mystification, en lien avec le formidable succès populaire que connaît le Tour de France cycliste.

Nous connaissons les importantes difficultés auxquelles nous nous heurtons : la loi du silence – même si les révélations des « sportifs repentis » se multiplient –, l’internationalisation des pratiques et des trafics, la possibilité d’achats sur internet, l’hétérogénéité des laboratoires agréés par l’AMA, le cloisonnement du mouvement sportif, l’apparition de nouveaux produits, les difficultés de détection de certaines pratiques, comme l’autotransfusion sanguine, ou bien encore l’éventuelle complicité institutionnelle caractérisant le dopage d’État de certains pays.

Tous ces obstacles doivent non pas engendrer résignation et fatalisme, mais inciter à une forte mobilisation collective. En effet, l’implication dans la lutte antidopage concerne tous les acteurs du sport : l’Union européenne, les États, le CIO, le CNOSF, l’AMA, les fédérations sportives nationales et internationales, divers ministères – non pas simplement celui des sports, mais également l’éducation nationale, la santé et l’intérieur –, les sportifs et leur encadrement, les anciens sportifs, les partenaires économiques, les professions médicales et paramédicales, les agences nationales comme l’AFLD, l’OCLAESP, l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique, les instances publiques ou privées ayant trait au sport et, bien évidemment, le Parlement, à travers sa fonction législative.

En 2013, nous posions sept piliers principaux autour desquels s’articulaient les soixante propositions émises par la commission d’enquête parlementaire du Sénat : la connaissance de la réalité du dopage et du trafic, la prévention, la politique des contrôles, les analyses – avec la question du statut du laboratoire de Châtenay-Malabry –, les sanctions – savoir, par exemple, qui doit détenir le pouvoir de sanction des sportifs –, la politique pénale – avec la pénalisation ou non de l’usage des produits dopants – ou bien encore la coopération entre les acteurs en charge de la lutte antidopage, qui sont trop souvent isolés.

Depuis 2013, nous avons progressé, via notamment l’actualisation du code mondial. Mais le combat doit nécessairement se poursuivre, de récentes affaires nous le rappellent.

Avec le dopage, nous nous trouvons à la convergence de divers enjeux qui en font une véritable question de société : un enjeu éthique d’équité sportive, c’est-à-dire d’égalité des chances face au résultat et à la performance ; un enjeu sanitaire, les produits utilisés pouvant avoir des effets néfastes sur la santé des sportifs, à court, moyen ou long terme ; un enjeu économique et médiatique – par exemple, l’économiste Jean-François Bourg estime le marché mondial du dopage à environ 30 milliards d’euros par an ; un enjeu judiciaire, puisque nous nous trouvons face à un trafic de produits interdits.

Le renforcement des dispositions visant à lutter contre la corruption sportive, composante de la proposition de loi débattue ici même la semaine dernière, complète les avancées sur la lutte contre le dopage par des dispositions inhérentes aux fraudes technologiques.

Nous pouvons nous réjouir que le travail accompli au cours de cette législature apporte des réponses à la dégradation des vertus prônées à travers la pratique sportive, l’abaissement de la dignité dont est porteur l’aléa sportif et l’atteinte à l’intégrité du sport.

Le dopage constitue un problème éthique majeur pour le sport du XXIe siècle. La contribution déterminée à son éradication représente également un élément clef de la candidature de Paris aux jeux Olympiques de 2024. La ratification, que j’espère unanime, de cette ordonnance y contribuera.

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