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Lagazette.fr Impression : Y-a-t-il vraiment trop d’élus locaux ?»

La surprise du chef. Le Président de la République a désarçonné jusqu’à ses ministres, annonçant, au détour de la Conférence nationale des territoires du 17 juillet, une baisse du nombre d’élus locaux.

Des édiles qui, en contrepartie, seront « plus protégés » et « mieux rémunérés », s’est empressé de préciser Emmanuel Macron. Il n’empêche, le terrain est miné à la veille du scrutin sénatorial du dimanche 24 septembre 2017, qui s’annonce périlleux pour le nouveau pouvoir. La République en marche (LREM) n’existait en effet pas au moment des élections municipales dont sont issus 95 % du corps électoral qui désigne les représentants à la Chambre haute.

Les Républicains s’engouffrent dans la brèche

« Pour l’immense majorité d’entre eux, bénévoles, les quelque 500 000 conseillers municipaux assument, dans leur quartier, dans leur rue, un rôle de lien social. Dans une société aussi déshumanisée, aussi déchirée que la nôtre, marquée par le désengagement d’un certain nombre de bureaux de l’administration d’Etat, c’est tout à fait essentiel », ne manque pas de rappeler le sénateur (LR) Roger Karoutchi, candidat dans les Hauts-de-Seine.

« Que restera-t-il dans les territoires les plus isolés lorsque les élus locaux auront disparu ? La France n’a pas besoin de moins de civisme. Elle a besoin de plus de civisme. Les élus sont là, comme disait Tchekhov, pour réparer les vivants », lance, lyrique, Bruno Retailleau, président du groupe LR au Palais du Luxembourg.

« C’est une atteinte grave à la République et à la démocratie locale », renchérit André Laignel (PS), premier vice-président délégué de l’Association des maires de France.

Opération déminage

Parmi les postulants de La République en Marche et de ses alliés, on s’efforce d’éteindre l’incendie. Candidate MoDem en Loir-et-Cher, Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre de l’Intérieur, assure que le chef de l’Etat songeait avant tout à la diminution du nombre de conseillers municipaux engendrée, à terme, par le succès des fusions dans le cadre de communes nouvelles.

  • Moins de conseillers municipaux : les élus locaux mi-figue mi-raisin [1]
  • René Dosière : « Le non-cumul est la réforme-phare du quinquennat [2]

Son collègue, Jacques Mézard (PRG), ministre de la Cohésion des territoires et ancien patron au Sénat du groupe RDSE, va un peu plus loin.

« Dans un conseil municipal, lorsqu’il y a 35, 39, 43 élus locaux, il est évident que l’on peut réduire le nombre », lance-t-il, sur LCI [3], au lendemain de la Conférence nationale des territoires.

L’enjeu n’est pas neutre non plus dans les petites municipalités. L’essentiel des édiles se trouve là, au nombre de 7 dans chacune des 2 462 communes de moins de 100 habitants, de 11 au sein des 15 443 municipalités de 100 à 499 habitants, de 15 parmi les 12 284 communes de 500 à 1 499 habitants.

Un apport précieux

Dans les petites communes, les élus salent le trottoir les jours de neige, vont visiter les personnes âgées, règlent des conflits de voisinage qui pourraient encombrer les tribunaux…

Vincent Potier, directeur général du Centre national de la fonction publique territoriale, (CNFPT) a fait ses comptes. Il est parti du principe selon lequel un édile accorde en moyenne chaque semaine cinq heures de son temps à la collectivité. Les 608 088 élus d’avant les dernières fusions d’EPCI et de communes nouvelles représentent, selon son calcul, 86 800 de temps plein d’agents publics territoriaux. Dans les communes de moins de 1 000 habitants, ce chiffre atteint 30 600.

Des conseils municipaux extra-larges…

Sauf mandat spécial ou prélèvement sur l’enveloppe des adjoints, les élus de base dans les communes de moins de 100 000 habitants ne touchent pas d’indemnité. « Ils ne coûtent pas un centime. Ils n’ont pas de bureau en mairie, pas de secrétariat », martèle Roger Karoutchi.

« Il peut y avoir des séminaires d’élus de la majorité, un équipement informatique, des frais d’impression… », nuance le spécialiste des collectivités Patrick Le Lidec, chercheur au Centre d’études européennes de Sciences Po. Impossible de donner des chiffres cependant. Il n’existe à ce jour aucune étude sur ce point, pas plus que sur les dépenses hors-indemnités des membres d’exécutifs locaux (téléphones portables, notes de frais, voitures de fonction…).

Une certitude : certains mandats locaux ont perdu de leur sel. C’est souvent le cas dans les petites communes. Celles-ci ont, en effet, été peu à peu vidées de leur substance au profit des EPCI à fiscalité propre. Si les conseillers municipaux, en début de mandat, font acte de présence, un certain nombre d’entre eux, en proie à un sentiment d’impuissance, se montrent moins assidus au fil des années.

Absentéisme des élus : l’Eurométropole de Strasbourg frappe au porte-monnaie[4]

D’où la piste esquissée par Maurice Vincent, sénateur (LREM) de la Loire et ancien maire de Saint-Etienne : « Il peut y avoir une réflexion sur le nombre de conseillers municipaux là où les compétences ont été transférées à l’intercommunalité ». Une suggestion qui ne vaut pas pour les grandes communes. « A Saint-Etienne, il y a 12 élus d’opposition sur un total de 59, pour une liste qui a obtenu plus de 40 % dans une ville de plus de 170 000 habitants. Ce n’est pas énorme », jauge Maurice Vincent.

Dans les deux plus grandes villes du pays, les effectifs des assemblées communales dépassent la barre des 100. Les 101 élus du conseil municipal de Marseille glanent au moins 1857,57 euros bruts. Les 163 conseillers de Paris, ville-département culminent à 3 463 euros nets par mois.

… et une poignée d’intercommunalités XXXL

Des assemblées très vastes, on en retrouve aussi dans les métropoles du Grand Paris et d’Aix-Marseille Provence, qui comptent respectivement 209 et 265 édiles. Autant de mandats rémunérés, sauf écrêtement, a minima 957,97 euros bruts.

L’intercommunalité classique n’est pas en reste. La communauté  d’agglomération du Pays-Basque (158 municipalités) rassemble ainsi 233 élus. Sa consœur du Cœur du Cotentin culmine à 150. « La représentation de chaque commune à l’intercommunalité est un système évidemment inflationniste », explique Patrick Le Lidec.

Des efforts ont cependant été accomplis, avec le double plan de restructuration des EPCI au lendemain des lois de 2010 et de 2015. Le nombre de conseillers communautaires a fondu de 85 000 à 63 548 au 1er janvier 2017. Parmi eux, là encore, la grande majorité n’est pas rémunérée.

Dans les communautés de communes, les conseillers « secs » ne touchent en effet pas d’indemnité.

Par ailleurs, le volume des exécutifs a été plafonné dans les intercos. Il ne peut dépasser 30 % des effectifs des conseillers communautaires dans la limite de 15 vice-présidents.

Le spectre du conseiller territorial

Le bloc commune-intercommunalité n’épuise pas le débat autour du nombre d’élus. Les régions métropolitaines posent aussi question.

Singulièrement depuis la réforme territoriale. Si le nombre de régions est passé de 22 à 13 en 2015, leurs effectifs n’ont pas baissé. Le gouvernement d’alors voulait pourtant imposer un plafond de 150 élus. Objectif : baisser les effectifs de 15 %.

Mais le Parlement a tué cette mesure dans l’œuf.

Résultat : l’Ile-de-France regroupe 209 élus, l’Auvergne/Rhône-Alpes en rassemble 204, la Nouvelle Aquitaine 183, les Hauts-de-France 170 et le Grand Est 169… Autant de mandats rémunérés en principe a minima 2 661,03 euros bruts.

Sans aborder frontalement le montant des indemnités, le club des patrons de régions, Régions de France, présidé par Philippe Richert (LR), se prononce pour une gouvernance « plus agile ». Dans sa plateforme présentée lors de la présidentielle, elle remet sur le métier le plafond de 150 élus.

Les propositions « ambitieuses » de Régions de France pour la présidentielle [5]

Julien Aubert : [6]

« [5] Moins d’élus locaux, mais mieux indemnisés [6] » [5]

Le camp macroniste ne détient pas le monopole de la réduction du nombre d’élus. « Cette question est à l’agenda politique depuis 10 ans. Le conseiller territorial était déjà une manière de réduire le nombre d’élus », rappelle Patrick Le Lidec. Nicolas Sarkozy souhaitait, alors, fusionner les conseillers généraux et régionaux.

Si son dispositif destiné à diminuer de près de moitié ces deux catégories d’édiles avait rebuté les grands électeurs sénatoriaux, la chambre haute passant à gauche en 2011 pour la première fois de la Vème République, elle garde des adeptes au Palais du Luxembourg sur tous les bancs. Le patron du groupe LREM, François Patriat s’y montre, à titre personnel, acquis.

Idem pour Maurice Vincent. Le sénateur de la Loire prend cependant soin de préciser qu’il y est favorable sur le fondement du scrutin de liste, et non du scrutin majoritaire, comme l’envisageait Nicolas Sarkozy.

Dominique Bussereau : « Le conseiller territorial n’était pas unebonne idée » [7]

Pour le retour du conseiller territorial [8]

Une facture de 2 milliards

L’enjeu de la réduction du nombre d’élus n’est pas mince.

Une étude de l’Institut français pour la recherche sur les administrations publiques (IFRAP) [9], fondée sur les réponses du ministère de l’Intérieur à l’ex-député (apparenté PS) René Dosière, évalue, en 2016, le montant des indemnités à 2,069 milliards. Un chiffre en hausse continue.

Le débat lancé par Emmanuel Macron sur le nombre d’élus est d’autant plus inflammable. Car il pose inévitablement la question des structures, au moment où les grands électeurs sénatoriaux réclament une pause institutionnelle. Le scrutin du 24 septembre est le théâtre de ce bras de fer.

Dans son discours de politique générale du 4 juillet, le Premier ministre l’a dit : il souhaite deux échelons infrarégionaux, en lieu et place des communes, des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et des départements. Mais il s’est bien gardé de définir une quelconque feuille de route. « La priorité d’Emmanuel Macron et d’Edouard Philippe, c’est la signature d’un pacte de modération financière avec les collectivités les plus dépensières, pas la réduction du nombre d’élus. Ils ne peuvent pas s’attaquer à tous les dossiers en même temps », avance Patrick Le Lidec.

Rien ne presse pour l’exécutif. Les municipales sont programmées seulement en mars 2020, les départementales un an plus tard et les régionales en décembre 2021. Le pouvoir le sait : le discours sur le « trop d’élus » est très mal perçu par l’ensemble des édiles, comme c’est le cas pour les fonctionnaires. Aussi, préfère-t-il, en cette veille de sénatoriales, avancer à pas feutrés.

Son seul dessein affiché porte sur des fusion entre les départements et les métropoles sur la base du volontariat. Une opération qui pourrait quelque peu diminuer le nombre d’édiles. Le sénateur (LREM) de la Loire et ancien maire de Saint-Etienne Maurice Vincent y est très favorable. Il souhaite des fusions avec les départements sur le territoire des métropoles, sur le modèle de ce qu’a fait son voisin Gérard Collomb. Saint-Etienne qui vante l’exemple lyonnais : point de doute, on est bel et bien entré dans le nouveau monde !

  • La fusion inédite des départements des Yvelines et des Hauts-de-Seine aura-t-elle lieu ? [10]
  • Bras de fer extrême à Montpellier entre le département et la métropole[11]

Jean-Jacques Lozach, sénateur (PS) de la Creuse

« Une attaque contre la vitalité démocratique »

« La conviction personnelle d’Emmanuel Macron ne repose sur aucune demande d’aucun parti, d’aucune association d’élus, d’aucun candidat à quelque élection que ce soit. C’est le fantasme de la démocratie directe. En Nouvelle Aquitaine, mon département de la Creuse, situé à 300 kilomètres de la capitale régionale, ne compte pourtant que 4 représentants. Par ailleurs, il est faux de dire que nous ne trouvons pas de candidats pour les listes aux municipales. En 2014, nous avons rencontré une difficulté dans une commune sur un total de 265. Trouver 11 représentants dans un village de 350 habitants est un signe de vitalité démocratique qu’il convient de ne pas attaquer. J’ajoute que, dire, comme Emmanuel Macron, que les Français ne comprendraient pas que l’on réduise d’un tiers le nombre des députés et des sénateurs, et pas celui des élus locaux me paraît tiré par les cheveux. Ce sont deux fonctions très distinctes. Voter la loi n’a rien à voir avec la gestion d’une collectivité. »

Jean-Marie Bockel, sénateur (Union centriste) du Bas-Rhin

« Les collectivités fonctionneraient aussi bien avec 200 000 élus en moins »

« Près de 800 communes dans le seul département de la Somme, dont un grand nombre de moins de 100 habitants, ce n’est pas raisonnable. Il y a sans doute un équilibre à trouver entre les 8 000 communes allemandes et nos 35 000 municipalités. S’il n’y en avait plus que 20 000, ce ne serait pas un drame. On pourrait tenir le même discours sur la vitalité démocratique s’il y avait 200 000 conseillers municipaux de moins. Le conseiller territorial (élu issu de la fusion des mandats départementaux et régionaux souhaitée sous le mandat de Nicolas Sarkozy, ndlr) reste une bonne idée.

On peut cependant admettre un nombre important d’élus régionaux à partir du moment où les fonctions exécutives et délibératives sont séparées. Si tel n’est pas le cas, on peut imaginer le mandat suivant avec 100-120 élus dans les grands ensembles fusionnés. Si le Parlement donne le ton sur la réduction du nombre de députés et de sénateurs, on pourra passer à l’étape suivante. »

Les chiffres à retenir

579 241 mandats d’élus locaux sont recensés au 1 er janvier 2017 par la direction générale des collectivités locales. Les 509 575 conseillers municipaux forment l’essentiel des bataillons ; 63 648 d’entre eux siègent aussi dans un conseil communautaire. Le nombre de conseillers départementaux s’élève à 4 108 et celui de conseillers régionaux à 1 910.

5 fois plus d’indemnités dans les agglos entre 2000 et 2013, le nombre de ces intercos ayant fortement augmenté au lendemain de la loi «Chevènement » de 1999. Dans les communautés de communes, où les conseillers de base ne peuvent pas être rémunérés, elles sont restées stables.

+ 78 % d’indemnités pour le bloc local entre 2000 et 2013, selon une série de réponses du ministère de l’Intérieur à l’ex-député (apparenté PS) René Dosière. Les indemnités du bloc commune-intercommunalité ont explosé avec l’émergence des EPCI à fiscalité propre.

+ 33 % Le montant de la hausse des indemnités de fonction dans les syndicats de communes et les syndicats mixtes entre 2007 et 2013, alors que le nombre de ces structures a baissé de 10 %. Des chiffres issus du bilan statistiques de l’intercommunalité de la Direction générale des collectivités locales du ministère de l’Intérieur et de réponses écrites du ministère de l’Intérieur à des questions écrites de l’ex-député (Apparenté PS) René Dosière.

25 fois plus d’élus par habitant en France (1/116) qu’en Grande-Bretagne (1/2605), selon une étude du conseil de l’Europe. Par ailleurs, la proportion d’édiles tricolores est un peu plus de deux fois plus élevée qu’en Allemagne (1/250). Mais en France, les édiles sont pour l’immense majorité d’entre eux bénévoles et les élus rémunérés touchent généralement moins d’indemnité que leurs voisins.

Erreur de transcription de l’auteur : il convient de lire 258 communes et non 256 dans la reprise de mes propos.

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