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Depuis 20 ans, cette réserve naturelle de Creuse offre une vue imprenable sur ce que la nature a de plus rare

La réserve naturelle nationale de l’étang des Landes, écrin d’eau et de verdure lové à Lussat, a fêté ses 20 ans le 23 décembre dernier. L’occasion, samedi 11 janvier, de célébrer sans doute la plus belle Dame Nature de la Creuse.

Par JULIE HO HOA

Article publié le 09 janvier 2025 à 11h00

L’étang des Landes, classé réserve naturelle nationale depuis 20 ans, ouvre une fenêtre sur ce que la nature recèle de plus rare et de plus beau en Limousin. © Floris Bressy

C’était il y a vingt ans. Après plusieurs dizaines d’années d’études publiques, d’inventaires et de réflexions au niveau local, Jean-Pierre Raffarin, alors premier ministre et Serge Lepeltier, ministre de l’Écologie, signaient, le 23 décembre 2024, le décret de création de la réserve naturelle nationale de l’étang des Landes. Un classement qui a sans doute sauvé ce trésor sous-estimé, à bien des égards unique en Nouvelle-Aquitaine, de l’évanouissement.

Des trésors restés longtemps insoupçonnés

« La Creuse est très longtemps restée une terre un peu mal connue des naturalistes. Même l’étang des Landes, dont on connaît aujourd’hui l’incroyable biodiversité, passait un peu sous les radars à l’époque. Les premiers recensements de milieux datent des années 1970. Ce n’est pas très ancien », explique Sébastien Bur, conservateur du site.

@Floris Bressy

Ce sont des naturalistes limougeauds qui décèlent les premiers l’infinité de ses trésors naturels. « Ils s’intéressent surtout à la physionomie, à la végétation et découvrent des roselières incroyables, des herbiers. »

Dans les années 1990, le site attire de plus en plus de naturalistes et l’intérêt se précise. « On commence à avoir de premiers inventaires et on voit que ce n’est pas un étang banal », sourit Sébastien Bur. Le Conservatoire d’espaces naturels du Limousin propose de l’acheter, mais ce sera finalement le Conseil général de la Creuse, présidé par Gérard Gaudin, qui mettra le site, alors privé, dans sa besace en 1995 (*). Il restera dans son jus jusqu’au début des années 2000, géré conjointement par un privé et la fédération de pêche ; jusqu’à ce qu’un vrai projet voit le jour sous la mandature de Jean-Jacques Lozach.

@Floris Bressy

  On dit souvent que l’étang des Landes est le seul étang naturel du Limousin. Ce n’est qu’à demi vrai. Si la dépression sur laquelle il est formé est naturelle, sur le bassin sédimentaire de Gouzon, c’est une digue, construite en 1684, qui lui donnera sa forme actuelle. « On ne sait pas grand-chose de l’histoire de cet étang, remarque Sébastien Bur. On retrouve des traces, comme le fait qu’il y aurait eu un étang des Landes déjà au XIVe siècle mais on ne sait pas trop sous quel format… » Depuis la construction de sa digue, il semblait destiné à la pêche et sans doute à la chasse au gibier et oiseaux d’eau. Avant son classement, il était loué par la Sagem (Montluçon) et mis à disposition à ses salariés pour des loisirs de pêche.

Autour des 120 hectares d’étang, le Conseil général acquiert des parcelles riveraines « avec la volonté d’avoir un foncier cohérent », traçant les contours des 166 hectares de la réserve actuelle. Le petit patrimoine, comme l’anguillère, est réhabilité et le classement en réserve naturelle nationale est relancé sous l’impulsion du Conseil général et du maire de Lussat de l’époque, Gérard Aubert.

En octobre 2005, le Département est finalement désigné gestionnaire et s’adjoint les compétences scientifiques du CEN Limousin, qui restera l’opérateur scientifique et historique de la réserve ces vingt dernières années. Sa grande aventure commence alors.

@Pascal Dacasa

En mars 2006, une équipe de trois personnes (un conservateur, un chargé de missions scientifiques et un garde-agent technique) s’attelle à la tâche. « Notre premier travail a été de réaliser le premier plan de gestion du site, c’est-à-dire de réaliser toute cette phase de diagnostic poussé, des espèces, des habitats, des activités, définir quels sont les enjeux du site, ce qu’on veut protéger et comment on s’y prend », se rappelle Sébastien Bur, alors chargé de mission.

Sébastien Bur travaille sur la réserve depuis 2006 @ Floris Bressy

Une mission vaste, qui prend trois ans. « L’étang des Landes avait très mauvaise réputation, pour certains, on classait en réserve un foyer pour les poissons-chats, les ragondins et les cormorans », se souvient le conservateur. Mais lorsqu’il découvre le site, il est saisi par l’émotion.

« Mes premières impressions, ce sont les mêmes que la plupart des Creusois je pense. Tu n’es ni au bord de la mer, ni à la montagne, et pour autant, tu arrives là-bas, il y a une ambiance, il y a un truc, il y a quelque chose de l’ordre du sensible. »
Sébastien Bur (conservateur de la réserve naturelle nationale de l’étang des Landes)

Grâce à une gestion fine, l’étang reprend peu à peu vie

En réalisant ses premiers inventaires, « la richesse du site se confirme », se souvient Sébastien Bur. « Il y a une grande variété d’espèces, mais en petit nombre d’individus », en raison, cible-t-il, d’« une qualité d’eau dégradée », « d’un très mauvais état de conservation » et de tonnes de poissons-chats. Les parcelles riveraines sont à l’abandon, « en taillis, avec des zones humides réduites à peau de chagrin » depuis la déprise agricole.

Grâce au réseau Natura 2.000, les premiers travaux de restauration des parcelles et des milieux débutent, le premier plan de gestion est validé en 2009, il sera suivi de quatre autres, tous les cinq ans, de nombreux travaux de restauration et d’une gestion savamment réfléchie.

L’affût des trois bouleaux est l’un des affûts qui jalonnent le sentier de rive de l’étang @ Floris Bressy

2009, « c’est aussi l’année de la première édition du légendaire calendrier des Rendez-vous nature », sourit Sébastien Bur, c’est-à-dire le volet valorisation du site car « les grandes missions d’une réserve, c’est de conserver, étudier, protéger et valoriser », rappelle-t-il. Qui passe aussi par une réflexion autour de l’accueil du public.

« À cette époque là, les gens arrivent et ils ne comprennent pas encore qu’ils sont sur une réserve. Mais on est dans un site touristique par essence qui est en train de devenir un site touristique par destination. Il fallait accompagner ça. »
Sébastien Bur (conservateur de la réserve naturelle nationale de l’étang des Landes)

Après la construction d’affûts le long du sentier de rives, le Département capitalise sur ce potentiel. Et c’est ainsi que la Maison de la réserve voit le jour en 2014 ; le parking est déporté, les réseaux enfouis. La réserve prend réellement forme.

@Floris Bressy avec le concours de l’aéroclub de la Creuse

« On a ce sas de décompression jusqu’au site. J’arrive au bout de cette route du bout du monde, je descends de voiture, je chemine à pied. Je commence à comprendre que je suis ailleurs et j’arrive dans un espace qui m’offre de l’émotion, de la nature, de la beauté », résume Sébastien Bur.

Rendre le site à la nature et au public

Le conservateur en est conscient, le classement en réserve, la réglementation des accès à pied, de la chasse et de la pêche, ont pu irriter les voisins de toujours. Le terme même de « réserve » est parfois entendu comme la mise sous cloche d’un site, d’un pan de patrimoine, où aucune activité humaine ne serait plus possible. A tort. Jamais l’endroit n’a plus palpité de vie.

« C’est intéressant de garder en mémoire qu’avant le classement, c’était un étang privé, confié à des privés, ce n’était pas un étang ouvert à tous. Et au contraire, depuis 20 ans, c’est un site qui s’ouvre, qu’on essaie de faire découvrir avec un calendrier d’animations, où il se passe des choses, avec des agriculteurs qui disposent de surfaces mises à disposition pour le pâturage et qui prennent ainsi part à sa gestion. »

La roselière de la réserve creusoise est l’une des plus remarquables en Limousin @ Bruno Barlier

Vingt ans après, l’étang des Landes est devenu une halte incontournable, aussi bien pour les naturalistes chevronnés que les promeneurs en quête de nature.

« C’est un site structurant, qui compte pour le tourisme départemental. Il est absolument conforme à l’image qu’il veut renvoyer à l’extérieur de ses paysages préservés, de tourisme vert. »
Sébastien Bur (conservateur de la réserve naturelle nationale de l’étang des Landes)

Aujourd’hui, six personnes composent l’équipe de la réserve. « On est partis de tellement loin. Le chemin parcouru en 20 ans, j’y repense avec émotion », ajoute Sébastien Bur, égrainant des chiffres qui parlent d’eux-mêmes. En 2006, on estimait la fréquentation à 2.000, 3.000 visiteurs par an. Ils sont 20.000 aujourd’hui. Quant à ses missions premières, conserver, étudier, protéger, le site a réussi son pari.

« Depuis vingt ans, l’étang reprend vie, les herbiers se développent, les oiseaux réagissent, on a des nidifications incroyables », uniques en Nouvelle-Aquitaine, s’émerveille Sébastien Bur. En 2009, on comptait un millier d’espèces animales et végétales sur le site. Aujourd’hui, on en recense 2.150.

@Bruno Barlier
« On trouve ici plus de 25 % de la flore du Limousin sur seulement 166 hectares, 250 espèces d’oiseaux observés en quarante ans, il n’y a aucun équivalent en Nouvelle-Aquitaine, c’est quasiment la moitié des espèces d’oiseaux que l’on peut observer en France, note le conservateur. Et il y a une chose qui ressort, qui est vraiment incroyable, ce sont ces herbiers aquatiques. Dans ce seul étang, il y a une diversité de types de végétation qui est complètement délirante, non seulement en nombre, mais aussi en rareté et en surface ! Et il y a encore plein de choses à découvrir ! »
Sébastien Bur (conservateur de la réserve naturelle nationale de l’étang des Landes)

D’autres défis d’ampleur à relever

Si le site célèbre aujourd’hui les 20 ans de son classement en réserve naturelle, le défi d’assurer ses missions reste entier, notamment face au changement climatique. Les études continues sur le site révèlent une richesse qui semble illimitée mais aussi fragile.

« Déjà en 2019, à la suite de l’assec, on s’est rendu compte de notre fragilité et de notre vulnérabilité climatique. On est une oasis. On est tout seul. On est le point d’eau dans la savane où les animaux trouvent refuge », schématise Sébastien Bur. Cette année de sécheresse historique, suivie d’autres, a profondément marqué l’équipe de la réserve. « Le changement climatique, on savait qu’il était en cours mais entre savoir que et vivre la chose, la comprendre et l’expérimenter, ce n’est pas pareil », confie le conservateur.

De cet épisode traumatique pour la nature comme pour l’homme, il tire une leçon : « On a vraiment compris que l’étang des Landes est unique, et tout petit finalement. Qu’il est dépendant de tout ce qu’il se passe autour de lui et qu’il ne se suffira pas à lui-même. Donc les enjeux, pour les 20 autres années qui viennent, c’est sans doute de se dire que ce qu’on a expérimenté, étudié, ce qu’on a fait d’innovant ici, pourquoi ne pas le dupliquer ailleurs ? »

Pourquoi pas, ne plus considérer l’étang des Landes comme une oasis isolée du reste mais développer un réseau d’espaces naturels sensibles, comme lui, qui vient le conforter et rendre le tout, plus résilient face à la menace climatique et à la perte de biodiversité.

  Anniversaire ! Samedi 11 janvier, un Défi nature « Trouver un maximum d’espèces en parcourant le site » est organisé de 14 à 16 heures avec, en clôture, un goûter géant à partager (sur inscription au 05.87.80.90.60 ou rn-etang-landes@creuse.fr).

 

Texte : Julie Ho Hoa
julie.hohoa@centrefrance.com
Photos : Floris Bressy, Bruno Barlier, Pascal Dacasa

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