Jeudi 14 février, 10h30 – salle Médicis
Monsieur le Président,
Mes chers collègues,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux que notre commission organise cette table ronde pour faire le point sur la lutte contre le dopage, près de six ans après la publication du rapport de la commission d’enquête sénatoriale dont j’avais été rapporteur aux côtés de Jean-François HUMBERT (Président).
Contexte : 2013 (juste après les révélations de l’Affaire Armstrong).
Les enjeux identifiés sont multiples :
- l’équité sportive (l’égalité des chances face à la performance sportive) ;
- la santé publique (on a recours à des produits de plus en plus dangereux) ;
- l’enjeu économique et médiatique (ex : la fortune d’Armstrong estimée à 100 millions de dollars en fin de carrière ; le marché international du dopage sportif estimé à 10 milliards d’euros) ;
- l’enjeu judiciaire (trafic de produits interdits, avec un système de tolérance zéro) ;
- l’égalité de traitement à l’intérieur des disciplines ou entre pays ;
- l’utilisation efficace de l’argent, public ou privé, dans la lutte anti-dopage.
Nous avions titré notre rapport « avoir une longueur d’avance ». Six ans après, et alors que se profilent l’organisation de la coupe du monde de rugby et des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, nous pourrions sans doute nous donner un objectif plus modeste mais tout aussi fondamental : « arriver à l’heure » !
Notre commission d’enquête avait abouti à 60 propositions. Nous n’allons pas avoir le temps de les réexaminer toutes mais il me semble important que nos échanges permettent à la fois d’identifier les avancées majeures qui ont eu lieu et les principaux obstacles qui restent à franchir.
La synthèse du rapport de la commission vous a été distribuée. Vous y retrouverez en particulier les principales propositions qui avaient été regroupées en sept chapitres : « connaître », « prévenir », « contrôler », « analyser », « sanctionner », « pénaliser » et « coopérer » (les 7 piliers).
Mon sentiment, avant d’ouvrir le débat, c’est que la lutte contre le dopage n’a pas encore été hissée au rang d’objectif prioritaire de nos politiques publiques (cf : les débats en commission à chaque exercice budgétaire).
Certes, c’est une politique qui fonctionne et je dirai dans un instant un mot du travail de l’AFLD. Mais j’ai le sentiment qu’une rupture symbolique était nécessaire, avec les pratiques établies dans certaines disciplines. Nous l’avions proposée par exemple à travers la création d’une commission « vérité et réconciliation », sous l’égide du mouvement sportif. Or,cette « reconnaissance de culpabilité collective » n’a pas eu lieu.
Au lieu de cela,le soupçon n’a cessé de s’étendre à de nouvelles disciplines et à de nouvelles pratiques (par exemple dans les salles de sport) et ce ne sont pas les dérives des fédérations russes qui peuvent nous rassurer sur les agissements en cours dans d’autres pays.
Heureusement, le bilan n’est pas seulement négatif. Des progrès ont été réalisés, qui vont améliorer grandement l’action de l’AFLD. Je pense notamment à la nouvelle procédure de reconnaissance de culpabilité. Je pense aussi à la création d’une commission des sanctions indépendante depuis le 1er septembre 2018. Je ne saurais, enfin, oublier le futur laboratoire de Saclay qui, lui aussi, bénéficiera d’une indépendance renforcée et de liens étroits avec le monde de la recherche et le monde universitaire.
Je mentionnerai le Plan national de prévention du dopage et des conduites dopantes (2015-2017), directement inspiré de nos travaux (selon les dires du Ministère de l’époque).
Nous avions pointé les difficultés auxquelles la lutte anti-dopage était confrontée :
- la loi du silence ;
- l’internationalisation des trafics ;
- Internet (en 48 heures, livraison d’EPO à domicile) ;
- les pressions politiques et la complicité institutionnelle (ex : JO de Sotchi) ;
- les difficultés de détection (ex : l’auto-transfusion sanguine) ;
- l’apparition de nouveaux produits individualisés ;
- l’audiovisuel peu motivé pour des campagnes d’information ;
- la formation des sportifs de haut-niveau.
Avons-nous surmonté tout ou partie de ces difficultés ?
Certains chantiers ont commencé à avancer sans nécessairement aboutir. Je pense à la prévention qui constituait une de nos préconisations importantes. La commission d’enquête avait souhaité que l’AFLD retrouve une compétence en matière de prévention. Mme la présidente de l’agence évoquait dernièrement son action en matière d’information et d’éducation des sportifs et de leurs encadrants sur les dangers du dopage et leurs droits et devoirs. Mais peut-on dire pour autant que l’agence a retrouvé le rôle moteur en matière de prévention ? Il me semble que celle-ci est encore dispersée entre les acteurs, ce qui ne constitue pas un gage d’efficacité.
Un second chantier qui nous avait interpellés concerne les modalités de contrôle ne reposant pas sur des analyses biologiques. Nous savons tous qu’il est difficile de confondre les contrevenants et que les enquêtes doivent croiser les éléments de preuve. Est-ce qu’on a pu progresser dans ce domaine ? (les « preuves non objectives »)
Voilà pour commencer ce débat quelques points d’interrogation. Nous aurons des questions à poser aux intervenants à l’issue de leurs interventions.