Le 25 septembre 2018, le Sénat a rejeté très majoritairement le projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (EGALIM), regrettant l’absence totale de prise en considération des travaux du Sénat et déplorant encore davantage le manque d’ambition de ce texte.
Nous avons également voté contre le texte aux motifs, d’une part, que la quasi-totalité de nos 140 amendements a été rejetée et, d’autre part, que ce projet de loi ne répond pas à son objectif initial : redonner des revenus aux agriculteurs.
Pourtant, le lancement des États généraux de l’alimentation en juillet 2017 avait suscité de grandes attentes. L’ambition de réunir autour d’une même table l’ensemble des acteurs du monde agricole et agroalimentaire, afin de trouver des réponses au problème central de la répartition de la valeur ajoutée, ne pouvait être que saluée.
Nous étions toutefois nombreux à l’époque à appeler à la prudence et à trouver les déclarations du Président de la République, notamment lors de son discours de Rungis, parfois présomptueuses quant à la réelle portée de sa future réforme.
Force est de constater que nous ne nous sommes pas trompés. Dans son volet « relations commerciales », ce texte s’inscrit certes dans la continuité de la loi « Sapin 2 » du 9 décembre 2016 qui avaient déjà œuvré pour des relations commerciales plus transparentes, une contractualisation rénovée et un renforcement du médiateur des relations commerciales et de l’Observatoire de la Formation des prix et des marges (OFPM). Seulement nous sommes très loin de la révolution annoncée et davantage dans l’aménagement de dispositifs par ailleurs nécessaires.
Ainsi, sur le revenu des agriculteurs, le Gouvernement et sa majorité se sont acharnés à refuser que les indicateurs de construction des prix soient validés ou proposés par un organisme public, en l’occurrence l’OFPM. On s’est battu en vain dans ce sens, afin de donner à cet observatoire un vrai rôle moteur dans la construction des prix ; ce qui, en outre, aurait offert un soutien objectif aux agriculteurs.
La loi votée par les députés consent néanmoins à laisser aux interprofessions le soin de proposer ces indicateurs. Toutefois, le texte prévoit toujours qu’en cas d’échec ou d’impossibilité à le faire, il reviendra à la grande distribution ou aux industriels de le faire. Ce sera une fois de plus le pot de terre contre le pot de fer et rien ne changera.
Sur le volet alimentation de la loi, les Sénateurs socialistes ont formulé plusieurs propositions pour améliorer la qualité des produits servis en restauration collective, interdire la publicité des aliments trop gras, sucrés, salés pour les enfants de moins de 16 ans, introduire des objectifs de réduction du taux de matière grasse, sucre, sel par catégories d’aliment, mettre en place un plan de progrès de la qualité de l’alimentation dans chaque établissement scolaire ou encore interdire l’utilisation de contenants alimentaires en plastique dans la restauration collective. Sur l’ensemble de ces propositions, nous n’avons pas été entendus.
Sur le volet environnemental, les renoncements ont également été nombreux. Malgré l’annonce en fanfare lors de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron, le Gouvernement a refusé d’inscrire dans la loi l’interdiction du glyphosate.
Nous avions proposé un dispositif pragmatique – sur le modèle de celui qui avait conduit à l’interdiction des néonicotinoïdes – en posant le principe d’une interdiction totale au 1 janvier 2021, avec un système de dérogation éventuelle jusqu’au 1er janvier 2022 en cas de nécessité absolue et sur la base d’un rapport de l’ANSES ; tout en prévoyant la mise en place d’un étiquetage de l’ensemble des produits bruts ou transformés mis en vente en France ayant été traités par un produit traité au glyphosate. Il s’agissait ici de faire preuve d’équité en ne pénalisant pas nos agriculteurs par l’importation de produits étrangers traités avec cette substance, sans que les consommateurs en soient informés. Ces propositions ont été refusées par le Gouvernement.
Pire, malgré le vote à l’unanimité du Sénat du dispositif, les députés LREM et le Gouvernement ont supprimé la création d’un fonds d’indemnisation pour les victimes des produits phytosanitaires qui répond pourtant à une urgence sanitaire et sociale.
La loi prévoit désormais la seule remise d’un énième rapport sur les modalités de sa création, alors que nous proposions un dispositif clé en mains. Ce n’est pas à la hauteur des enjeux.
Pendant ce temps, des agriculteurs continuent de mourir et des familles à souffrir, sans soutien ou accompagnement spécifique des pouvoirs publics.
En tout état de cause, nous continuerons à nous mobiliser pour les revenus et la santé de nos agriculteurs. Ce combat se poursuivra dès le projet de loi de finances pour 2019.