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15 juin 2023. Proposition de loi Protection des mineurs et honorabilité dans le sport (Discussion générale). Intervention en séance.

Intervention de M. Jean-Jacques Lozach
Rapporteur de la proposition de loi visant à renforcer la protection des mineurs et l’honorabilité dans le sport
Jeudi 15 juin 2023

Monsieur le Président/Madame la Présidente,
Madame la Ministre,
Mes chers collègues,

En 2018, la mission d’information sénatoriale sur les violences sexuelles sur mineurs en institutions dressait un terrible constat : « le contrôle de l’honorabilité des éducateurs sportifs bénévoles est un dispositif aléatoire et insuffisant qui présente des failles exploitables par les auteurs des violences sexuelles ». 90 % des éducateurs sportifs ne faisaient l’objet que d’un contrôle très partiel, dans un secteur où l’omerta a régné pendant longtemps.

Néanmoins, on constate un tournant depuis quelques années du fait d’une triple action :

De la part du mouvement sportif, tout d’abord, où les révélations de plusieurs athlètes de haut niveau, comme Sarah Abitbol, ont fait l’effet d’un électrochoc.

De la part du ministère ensuite. Je pense au volontarisme de l’ancienne ministre, Roxana MARACINEANU sur ce sujet, et confirmé depuis. En 2020, le ministère a mis en place une cellule de signalement de faits de violences. Depuis son lancement, ce sont ainsi plus de 907 signalements qui ont été réalisés conduisant à  424 interdictions d’exercer.

Vous-même, Madame la Ministre venait de lancer un « comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport », coprésidé par Marie-Georges Buffet et Stéphane Diagana, dont l’une des missions est la protection renforcée des pratiquantes et des pratiquants, notamment contre toutes les formes de violences et de discriminations.

Le législateur, et plus particulièrement le Sénat, a posé les jalons législatifs d’un contrôle renforcé. Nous avons ainsi introduit, dans la loi confortant les principes de la République (Août 2021), l’obligation pour les clubs sportifs de relever l’identité complète des personnes susceptibles d’être éducateur sportif ou d’intervenir auprès des mineurs. C’est un préalable indispensable à la mise en place d’un contrôle automatisé de l’honorabilité des éducateurs sportifs. En quelques mois, les progrès réalisés sont notables.

La mise en place de ce système, en lien avec les clubs et les fédérations qui en sont des rouages essentiels, a déjà permis de vérifier l’honorabilité de la moitié des éducateurs sportifs. Certes, le système reste perfectible et demande en ces premiers mois un travail considérable aux fédérations. Mais regardons le chemin parcouru ! Nous sommes passés de contrôles aléatoires et restreints en 2021 à 500 000 éducateurs sportifs contrôlés fin 2022 et à un million en mai 2023.

Une fois les problèmes informatiques réglés et les bonnes pratiques dans la transmission des noms intégrées, ce contrôle sera bientôt routinier. 

La proposition de loi de notre collègue Sébastien Pla renforce la protection des mineurs et le contrôle de l’honorabilité dans le sport.

Je salue cette initiative, qui permet de combler certains trous dans la raquette. Elle prévoit notamment la vérification de la capacité des éducateurs sportifs à la fois au regard du FIJAIS – le fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes – et du bulletin n°2 du casier judiciaire – le B2.

Je tiens à souligner, les échanges très constructifs que j’ai pu avoir avec le mouvement sportif, ainsi qu’avec vos services, Madame la Ministre, dans le cadre de la préparation de ce texte. Nous partageons tous un même objectif : lutter contre les violences, notamment sexuelles, dans le milieu sportif. 

À mon initiative, la commission de la culture a réécrit le texte avec un triple objectif : aligner, alléger, responsabiliser.

Nous avons tout d’abord aligné les modalités de contrôle des éducateurs sportifs sur celles applicables dans le secteur social et médico-social, pour les personnes qui encadrent des publics fragiles. Celles-ci ont en effet été renforcées par la loi relative à la protection des enfants de février 2022 (la loi Taquet). Le texte prévoit notamment, par exception au principe de réhabilitation pénale, le fait que l’inscription d’une condamnation au FIJAIS, entraine l’interdiction d’exercer, même si cette condamnation n’est plus inscrite sur le B2 : certaines condamnations peuvent en être effacées dès six mois après le prononcé de la peine, à la demande de la personne condamnée. Elles restent cependant inscrites au FIJAIS au minimum 20 ans. Les faits commis lorsque la personne était mineure restent également inscrits pendant 10 ans.

Ce nouveau dispositif répond à une attente forte des fédérations et des services déconcentrés du ministère. Ils sont actuellement confrontés à des contentieux lorsqu’ils souhaitent écarter un éducateur sportif inscrit au FIJAIS, mais dont le bulletin n° 2 du casier judiciaire ne mentionne plus la condamnation. Comme l’exception au principe de réhabilitation pénale n’est actuellement pas prévue pour le domaine sportif, certains de ces éducateurs contestent leur incapacité d’exercer. Selon les informations qui m’ont été transmises, plusieurs arrêtés d’interdiction d’exercer pour des personnes inscrites au FIJAIS ont été annulés par la justice.

Nous complétons également les listes des incapacités, en interdisant d’exercer la fonction d’éducateur sportif aux personnes condamnées à l’étranger pour des faits qui, commis en France, auraient entraîné cette même incapacité.

Nous inscrivons aussi dans la loi le principe d’un contrôle annuel de l’honorabilité.

Deuxièmement, nous avons allégé les obligations pesant sur les dirigeants des clubs. Le texte initial leur faisait porter la responsabilité du contrôle du bulletin n°3 du casier judiciaire du futur éducateur sportif. Nous avons supprimé cette obligation pour plusieurs raisons.

Le contrôle de l’honorabilité doit rester une prérogative régalienne. Par ailleurs, tant les fédérations que le ministère nous ont alertés sur un risque d’alourdissement des charges pesant sur les présidents de club dans un contexte de crise du bénévolat. Je tiens d’ailleurs à saluer l’engagement des milliers de bénévoles qui rendent possible la pratique sportive sur l’ensemble du territoire.

Enfin, le bulletin n°3 n’est pas exhaustif. Il ne comprend que les condamnations les plus graves. Un dirigeant de club pourrait, de bonne foi, à la consultation de l’extrait judiciaire transmis par l’éducateur sportif, penser que celui-ci remplit les conditions d’honorabilité sans que cela soit juridiquement le cas.

Nous souhaitons cependant responsabiliser les dirigeants, en instaurant l’obligation de signaler au préfet des comportements au sein de leurs clubs présentant un danger pour les sportifs. Je pense notamment aux agissements déviants d’un éducateur. Si les présidents de clubs ont le réflexe de prévenir le procureur, certains sont réticents à en faire de même avec l’administration, en l’absence de base légale. Or, le préfet dispose de pouvoirs de police lui permettant d’écarter rapidement une personne potentiellement dangereuse.

Par ailleurs, nous luttons contre des dirigeants qui pourraient fermer les yeux sur les violences commises dans leurs clubs. Ils pourront désormais être sanctionnés.

Nous créons une nouvelle sanction administrative d’interdiction de diriger un club sportif. Il existe aujourd’hui un vide juridique. Alors que le préfet peut prendre une mesure administrative d’interdiction d’exercer pour les éducateurs sportifs potentiellement dangereux, il n’existe aucune interdiction similaire pour les dirigeants de club. Le préfet dispose seulement de la faculté de fermer administrativement l’établissement.

La sanction administrative que nous créons pourra être prise dans trois cas : lorsque le comportement même du dirigeant de club fait porter un risque pour les sportifs, lorsqu’il emploie ou maintient en emploi un éducateur sportif frappé d’incapacité d’exercer, ou enfin, lorsqu’il refuse d’informer le préfet de comportements déviants au sein de son club.

Les premiers jalons d’une meilleure prévention des violences contre les sportifs et d’une protection renforcée des mineurs ont été mis en place. Cette proposition de loi permet de les compléter. Elle est attendue par tout le mouvement sportif.

Je vous remercie.

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