Le Sénat s’est doté l’automne dernier d’un groupe « Ruralité » qui se veut transpartisan. Ses membres entendent être des « lanceurs d’alerte » capables d’amender de manière groupée des textes à fort impact territorial. Ex-président du conseil départemental de la Creuse, le sénateur (PS) Jean-Jacques Lozach veut mener une stratégie de « défense offensive des territoires ruraux », trop souvent dépréciés et dont la crise des gilets jaunes a révélé les fractures.
Pourquoi avoir créé ce groupe « ruralité » ?
Jean-Jacques Lozach : La raison d’être de ce groupe, c’est le souhait de caler notre activité de défense des intérêts de la ruralité sur l’agenda parlementaire. Nous avons senti la nécessité de nous montrer très attentifs sur des projets de loi à venir et qui sont à fort impact territorial, notamment pour les espaces ruraux… Il s’agit concrètement de voir comment sur certains amendements, il peut être possible de dépasser nos clivages politiques habituels pour faire valoir les intérêts de la ruralité. Ce groupe est donc un groupe transpartisan et trans-commissions, puisque nos sept vice-présidents représentent les sept commissions du Sénat.
Concrètement, comment ce groupe fonctionne-t-il ?
Pour être pragmatique et efficace, on articule nos actions sur le calendrier parlementaire. Par exemple, en ce moment sur la loi LOM(1), nous sommes très regardants sur la question des petites lignes. Quand la loi Santé arrivera au Sénat, nous savons que nous devrons veiller à la question des hôpitaux de proximité. Et puis, lorsque la réforme des institutions nous sera présentée, nous nous battrons pour conserver un député et un sénateur par département, même faiblement peuplé.
Finalement, on peut résumer en disant que l’on veut être des « lanceurs d’alerte » dans une perspective de « défense offensive » des ruralités. Il ne s’agit pas pour nous d’être dans une vision pleurnicharde de la ruralité en demandant sans cesse des exonérations, des exceptions… Notre souhait est plus de veiller à ce que tous les territoires ruraux puissent avoir les moyens de valoriser leurs atouts, même ceux qui accumulent les difficultés économiques, démographiques et sociales… Pour cela, il faut mener à bien des projets d’aménagement de territoire et de solidarité territoriale.
Justement la crise des gilets jaunes a révélé une fracture territoriale très forte…
Pour moi cette crise des gilets jaunes est la première fois manifestation « anti-métropoles » ! On a vu des gens sur les ronds-points et dans les rues manifester sur le registre d’une concentration des richesses et des services dans les métropoles alors que pour certains habitants éloignés des centralités, c’est compliqué et coûteux de se déplacer et de profiter des services de la ville. D’ailleurs, lorsqu’aujourd’hui on parle d’inégalités sociales, je milite pour que le terme « territoriales » y soit accolé. Parce qu’il y a ces inégalités sociales et territoriales qui sont aujourd’hui très présentes et il faudra bien qu’à l’issue du grand débat, certaines propositions soient centrées sur des questions d’aménagement du territoire. Il ne s’agit pas ici d’un aménagement du territoire, façon années 60, avec de grands équipements structurants, car tout le monde est aujourd’hui réaliste et conscient des contraintes budgétaires. Mais je pense que même dans des cadres contraints, il existe des leviers d’aménagement du territoire à travers le sport, la culture, le tourisme, la formation professionnelle ou la recherche afin de mieux équilibrer les richesses sur notre territoire.
Avec ce mouvement des gilets jaunes, on a vu apparaître dans le débat public ce sentiment fort d’abandon ressentis par ceux qui vivent à l’écart des villes. Et c’est là aussi que commence notre travail de veille : dans la dialectique « ville-campagne » en visant un plus juste partage des richesses et une harmonieuse répartition des Hommes.